Pour ceux qui ont un peu d’expérience, l’annonce faite par Oracle de la suppression de 2 500 postes d’ingénieurs dédiés à Solaris la version Unix d’origine Sun et à Sparc, le processeur Risc du même Sun, fait l’effet d’une douche froide. C’est un peu de leur histoire qui s’en va. Et nous connaissons quelques utilisateurs de grosses stations de travail, qui ont la larme à l’oeil…

Selon les bonnes pratiques en vigueur aux Etats-Unis, les entrepreneurs ne prennent pas de gants quand il s’agit de tailler dans le vif et de réduire les dépenses préjudiciables à d’autres activités. C’est ce qui vient de se produire chez Oracle, qui avait racheté Sun en 2010 et qui condamne les anciens fleurons de Sun, Spark et Solaris, à une mort annoncée.

En fait, c’est tout sauf une surprise.

Déjà en janvier 2017, Oracle avait supprimé 1 800 postes, parmi lesquels 450 étaient directement liés à l’activité hard du circuit Spark, ainsi que la moitié des effectifs de la division Solaris.

L’annonce des nouvelles suppressions est donc le 2 ème étage de la fusée, qui devrait amener Oracle à interrompre définitivement les développements portant sur ces produits.

Tout sauf une surprise

En fait, cela fait des années que les activités Solaris et Spark périclitent et ne sont plus rentables.

Spark a toujours eu du mal à affronter la concurrence, non seulement celle des autres processeurs Risc, le Power d’IBM surtout, mais aussi celle des x86 et ARM. Ce dernier ayant largement remodelé le marché. Au point que le couple Spark/Solaris s’est recentré sur la seule activité crédible pour Oracle, celle des stations de travail où cette fois c’est Linux qui explosait.

Solaris et les stations Spark ont encore de nombreux défenseurs sur le marché et il n’est évidemment pas question de les retirer du jour au lendemain. Oracle a d’ailleurs précisé qu’il assurerait le support jusqu’en 2034, ce qui laisse largement le temps à ses clients de se retourner.

Pour ce qui est des projets d’évolution de ces plates-formes, la prochaine version de Solaris dite Solaris 11.next, ne comportera pas d’évolutions majeures, Oracle se contentant de fixer quelques faiblesses de sécurité. Même chose pour le prochain Spark dont le périmètre d’innovation a été fortement réduit. La fin est proche.

L’acquisition de Sun aura été un long chemin de croix pour Larry Ellison, le patron d’Oracle. Que reste-t-il en 2017 du patrimoine laissé par Jonathan Schwartz ?
Ellison n’est pas le champion des acquisitions

Il faut croire que Larry Ellison est meilleur sur l’eau dans le cadre de l’America’s Cup, qu’en tant que stratège dans les acquisitions IT.

C’est en tout cas ce que croit pouvoir dire Simon Phipps, un ancien exécutif de Sun, pas vraiment un de ses amis, qui a la cruauté de rappeler la longue liste des erreurs d’Ellison :

Java tout d’abord, le « joyau de la couronne », a eu une vie très agitée, marquée par deux procès contre Google, perdus l’un et l’autre. Oracle voulant récupérer 8 milliards $ dans cette affaire, soit plus que ce que lui avait coûté Sun : échec
Java EE qui le lui appartient plus, puisque l’API a été cédée à Eclipse pour son développement futur (il lui reste quand même Java SE et la machine virtuelle)
NetBeans ensuite, cette compagnie tchèque totalement inconnue, rachetée pour faire concurrence à Eclipse, très appréciée il est vrai des spécialistes, mais que l’on a cru disparue des écrans radar, tant le silence qui l’entourait était « assourdissant »
Côté bases de données, Oracle s’est rendu maître du monde MySQL, non pas en prenant le contrôle de la communauté, ce qui était impossible, mais en rachetant la compagnie suédoise, bras armé de l’activité commerciale autour de MySQL. Depuis ce fait d’armes, la plupart des clients sont passés à MariaDB…
Dans un domaine plus matériel, Larry Ellison, sans doute encore ébloui par les performances des matériels Sun, s’était engagé à restructurer les divisions dédiées, pour les rendre plus efficaces. Ca n’a pas marché. Ni sa tentative de transformer Exadata pour lui permettre de mieux affronter la concurrence. Exadata n’est pas mort, mais n’est pas en très bonne santé…
Vis-à-vis du Cloud, Larry Ellison a peut être pris ses informations chez Bill Gates et Steve Balmer, fortement opposés à cette architecture, car il n’a eu de cesse de démanteler toutes les initiatives de Sun visant à se développer dans cette direction. On ne peut pas dire qu’il ait eu le nez fin…
Quant à Open Office, successeur de l’invendable Star de Sun, malgré tous ses efforts, il n’a pas réussi à faire croire aux clients, qu’il était une alternative crédible à Office (n’est-ce pas la ville de Munich…). Malgré la reprise par Apache, que l’on a connu plus pertinent, Open Office n’existe quasiment plus, laissant le champ libre à Libre Office, l’alternative de bureautique libre, créée par des dissidents… d’Open Office.

A croire que dès que Larry Ellison touche à quelque chose, celui-ci se transforme en plomb.

Vous nous direz que ce n’est pas le cas des SGBD qui ont fait sa fortune. C’est juste. Et le système Oracle est toujours une merveille de conception technologique.

Mais est-ce bien Oracle qui l’a conçu ? Où faut-il trouver ses origines dans SEQUEL le projet sur lequel travaillait le jeune Ellison quand il était chez IBM ?

Pour ce qui est du langage, en tout cas, c’est indéniable.

Tout cela ne consolera cependant pas les fans de Solaris, qui ne manqueront pas de rappeler, parce que c’est vrai, que beaucoup de choses ont été inventées pour cet OS. Les containers par exemple, apparus avec Solaris 10…

Mais ce discours fait un peu ancien combattant.