L’information n’est déjà plus toute récente, mais il nous paraît intéressant d’y revenir, tant les appréciations des grands éditeurs peuvent parfois prêter à confusion. Et nous sommes charitables dans cette évaluation…

Nous sommes en juin 2019. C’est à cette date que Salesforce a annoncé le rachat pour 15,7 milliards $ du spécialiste du BI, Tableau.

Il faut rappeler qu’en 2018, Salesforce avait pour la première fois franchi le cap des 10 milliards $ de chiffre d’affaires et que ce n’est qu’en 2022, qu’il ambitionne d’atteindre les 20 milliards.

De fait, avec Tableau, Salesforce rachète une compagnie qui est presqu’aussi grosse que lui. Il faut avoir de l’appétit… Qui c’est vrai va lui faire atteindre les 30 milliards plus rapidement.

Mais connaissant Marc Benioff, son charismatique patron, on n’est pas surpris, qui bien souvent est en avance d’une guerre sur ses concurrents.

L’intérêt de Tableau

Tableau fait partie de ces Compagnies qui ont su se faire un nom sans se disperser. Sa spécialité est de fournir des outils d’analyse et de présentation de résultats, pour mieux comprendre et exploiter le patrimoine de données des entreprises. C’est la touche finale des outils de BI, celle qui présente intelligemment les éléments, en se servant de ce qui se fait de mieux, en matière de dataviz, par exemple.

On remarquera à ce sujet que certains clients de Tableau sont tellement attachés à leur produit, qu’ils voient d’un mauvais œil son rachat par Salesforce, chez qui il risque de se réduire à « une case à cocher » dans les contrats Salesforce. Keith Bachman, analyste chez BMO Capital, faisant remarquer pour sa part, que les acheteurs de Tableau ne sont pas traditionnellement les mêmes que ceux de Salesforce.

Ce qui est sûr, c’est que Salesforce va devoir s’adapter et probablement pas l’inverse. Car si Marc Benioff veut exploiter au mieux les qualités de Tableau, il faudra qu’il en comprenne la philosophie et fasse évoluer ses produits dans la même direction.

En fait, la grande idée que suivent Salesforce, mais aussi Oracle, Microsoft et SAP, c’est d’unifier ce qu’ils appellent la « pile de données ». Avec une évidente propension à aller sur le Cloud, la raison d’être de Benioff, celle qui a fait sa fortune.

Le patron de Salesforce n’aura pas à convaincre Tableau d’aller dans cette direction, car il dispose déjà de sa propre offre SaaS, Tableau Server sur AWS par exemple.

In fine, Salesforce disposera d’une arme redoutable, car outre ses produits CRM, il pourra mettre en avant une qualité de présentation des données opérationnelles, dont il existe peu d’équivalents sur le marché. N’oublions pas dans ce paysage le rôle majeur qu’est en train de jouer Mulesoft, l’une de ses acquisitions, pour la partie intégration.

A n’en pas douter, la bataille va être terrible sur le Cloud.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La comparaison est tentante entre l’opération Salesforce avec Tableau et celle réalisée par Google avec Looker. L’affrontement à venir, va être très intéressant à suivre…

Google vient de racheter Looker pour 2,6 milliards $, que personne ne connaît, sauf les spécialistes et Microsoft s’est constitué un ensemble séduisant avec Azure, Dynamics, LinkedIn et PowerBI.

Car la vérité « in fine » sera de donner, sur le Cloud, une vision complète des clients, dite à « 360 », des opérations réalisées avec eux et de tout ce qui gravite autour d’eux.

C’est dans ce contexte qu’il faut replacer le rachat de Tableau par Salesforce. Le plus étonnant étant que ce soit ni Oracle, qui décidément ne comprend plus grand-chose au marché, ni SAP, pourtant très motivé par de récentes acquisitions externes ou même Microsoft, qui a dépensé plus de 26 milliards $ pour reprendre LinkedIn, qui l’aient réalisé.

Dans quelques années, il est probable que ces grands noms s’en mordront le doigts…

Souvenons-nous des débuts de Salesforce

Le renforcement de Salesforce à la pointe des prestations Cloud, grâce à Tableau, qu’il faut autant considérer comme une communauté qu’une suite de produits, est à mettre en perspective avec les débuts de Salesforce dans le Cloud.

C’est en 1999 que Marc Benioff, californien bon teint de San Francisco a créé Salesforce, autrement dit cela fait 20 ans que Benioff a raison…

A ses débuts, le fait d’être accessible uniquement sur Internet -on ne parlait pas encore de Cloud- a fait plus que sourire et on entend encore les hurlements de rire de Microsoft, d’Oracle et quelques autres, qui prévoyaient une chute immédiate à ce « farfelu » de Benioff. Comme si on pouvait mettre sur Internet des données aussi confidentielles que celles des clients. Impensable disaient-ils !!!

L’ennui pour ces grands gourous, est que le temps a donné raison à notre californien, tous les concurrents sans exception, ayant été obligés de suivre les mêmes principes, Microsoft, SAP et évidemment Oracle. Faute de quoi, ils risquaient sinon de disparaître, pour le moins d’avoir les pires soucis.

Depuis son bureau, Marc Benioff doit beaucoup s’amuser aujourd’hui de la tournure qu’ont pris les évènements. Sa Compagnie emploie 36 000 personnes dans le monde et vise une capitalisation boursière de 100 milliards $.

Les actionnaires ne lui reprochent qu’une chose, que Salesforce continue de faire des pertes. Ce qui est une stratégie comme une autre, dans un monde qui nécessite des investissements gigantesques.

Après tout, Amazon a fait la même chose en présentant des résultats négatifs, pendant de longues années. Cela ne l’a pas empêché de devenir ce qu’il est aujourd’hui.