Depuis déjà trois ans, le microcosme mobile bruisse de rumeurs faisant état de l’arrivée prochaine d’un nouvel OS chez Google, qui pourrait rompre avec la longue tradition d’Android… et de Chrome OS. Pour l’instant, personne ne peut dire ce qu’il en est réellement, mais de nombreux avis convergent pour crédibiliser ce qui pourrait être le plus grand virage technologique réalisé par Google depuis 10 ans.

Ce que l’on croit savoir de Fuchsia

C’est Bloomberg qui a mis « le feu au lac » en prédisant la sortie avant trois à cinq ans de Fuchsia, sans que l’organe de presse puisse cependant garantir la nouvelle par des faits et annonces précis de la part des dirigeants de Google.

Ce qui serait déstabilisant pour les responsables de TI qui ont à imaginer une stratégie en matière de mobiles, ce serait la rupture forte avec l’existant.

De fait, Fuchsia ne devrait pas être une évolution d’Android, mais un OS très différent, qui ne serait pas fondé sur les mêmes briques.

Ainsi, reposerait-il sur un nouveau micro noyau Zircon, lui-même issu de « Little Kernel », a priori, très différent de celui que l’on trouve dans Linux.

Autrement dit, Fuchsia, serait un véritable OS « maison », comme peut l’être un iOS pour Apple, bien que celui-ci ait des racines dans Unix et non pas une adaptation de Linux, comme c’était le cas jusqu’à présent avec Android.

Autre prévision très déstabilisante, le fait que Fuchsia serait commun à toute la gamme Google, depuis les mobiles jusqu’aux PC et objets portés et connectés et constituerait la convergence tant attendue entre Chrome OS et Android.

Cela fait des années que l’on envisage cette évolution, mais jusqu’à présent, hormis l’émulation des logiciels Android sous Chrome OS, on n’a pas vu venir grand-chose et la convergence est un peu le serpent de mer que l’on ressortait à chaque annonce de la Compagnie de Mountain View.

Troisième élément du triptyque, Fuchsia serait disponible à la fois sur processeurs Intel x86 et ARM, ce qui devrait donner un coup de fouet marketing à Intel, quelque peu en perdition devant les assauts (et succès) d’ARM.

Google ne se tire pas une balle dans le pied

Evidemment, pour les utilisateurs, Fuchsia serait une bonne nouvelle, car l’OS simplifierait fortement le paysage morcelé des OS mobiles, plus précisément à l’intérieur de la gamme Android, malmenée par la fragmentation.

Mais Google peut-il le mettre en œuvre ?

Il faut bien voir qu’Android et Chrome OS sont des marchés très importants, qu’il convient (pour Google) de ne pas déstabiliser. Android c’est 76,88 % du marché des mobiles en août 2018 (chiffres StatCounter), contre 20,38 % pour iOS d’Apple. Quant à Chrome OS pour le Chromebook, dont on rappelle qu’il s’agit d’un OS à usage général, comparable à Windows, il représente 60 % du marché dans le domaine de l’éducation aux Etats-Unis, à comparer aux 22 % de Windows et aux 17 % d’Apple (regroupement d’iOS et MacOS).

Par ailleurs, de nombreux fournisseurs ont lourdement investi sur ces plates-formes et Google aurait beaucoup de mal à leur expliquer qu’il leur faut revoir une grande partie de leur offre pour l’adapter à Fuchsia.

Et même en interne Google, la partie ne semble pas gagnée.

On ne comprendrait plus pourquoi Google a fait en sorte de supporter les applications Linux sous Chromebook, pour permettre par exemple, aux développeurs, de concevoir des applications « cross-platform », accessibles sur les deux plates-formes. De plus, pourquoi Google aurait-il développé un émulateur Chrome OS pour son IDE Android Studio, destiné à encourager les développeurs à imaginer des applications pour Chrome OS, sans avoir l’OS sur leur machine, si c’est pour tout remplacer par Fuchsia.

Après tout, cela fait plusieurs années que l’on parle d’une éventuelle fusion de Chrome et d’Android, sans qu’elle se concrétise dans les faits. Et Fuchsia pourrait être la nième annonce « certaine », qui pourrait se traduire par une simple intégration dans l’une des plates-formes existantes, sans que l’on sache exactement ce que pourrait être son rôle.

Prudence mère de toutes les vertus

Nous sommes habitués avec Google à ne pas trop chercher à anticiper sur sa stratégie, tant la Compagnie est imprévisible et capable de faire tout et son contraire sans préavis.

Nous savons que Chrome OS + Android est une erreur pour les utilisateurs, qui ont à gérer deux gammes incompatibles. Mais c’est aussi une « vache à lait » pour Google, qui peut ainsi jouer sur deux tableaux très lucratifs.

Dans ce contexte et pour avoir été échaudés plusieurs fois, nous aurions tendance à considérer que Fuchsia n’aboutira jamais en tant que remplaçant effectif d’Android et de Chrome OS. Certains « Google fellows » disent même en interne que Google n’a lancé ce projet que pour occuper certaines de ses « troupes » et leur éviter d’aller voir ailleurs, si l’herbe est plus verte. Mais que ne dit-on pas dès qu’il s’agit de Google ?